19 juin 2023
Voie réservée au covoiturage, sur l'autoroute à Grenoble
APRR
Plusieurs dispositifs apparaissent pour favoriser le covoiturage, comme les voies réservées sur autoroute. Ils reposent sur la capacité à déterminer le nombre de personnes dans un véhicule. Ces capteurs, testés par le Cerema, sont désormais à maturité.

logo techni citésCet article du Cerema a été publié initialement par notre partenaire TechniCités.

Depuis quelques années, le covoiturage est un service à la mobilité en pleine croissance. Il est défini dans l’article L.3132-1 du code des transports comme l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Ainsi, un enfant ou un bébé est considéré comme un occupant du véhicule à part entière.

 

Développer le covoiturage et assurer l'efficacité des voies dédiées

Le ministère de la Transition écologique soutient le développement du covoiturage  et invite notamment les services gestionnaires des réseaux urbains et routiers à mettre en place des nouvelles mesures d’exploitation liées au covoiturage. Cependant, ces aménagements posent toujours la question du contrôle du nombre d’occupants des véhicules. L’absence de celui-ci nuit à l’efficacité de cette mesure : un taux de violation trop élevé discrédite la fonctionnalité de ces voies.

Plusieurs lois illustrent la volonté de soutenir le développement de nouveaux aménagements liés au covoiturage :

  • loi TECV (2015), article 56 : "Dans un délai d’un an [...], le gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de réserver, sur les autoroutes et les routes nationales [...], une voie aux transports en commun, aux taxis, à l’autopartage, aux véhicules à très faibles émissions et au covoiturage. Il présente des propositions sur les modalités de contrôle du caractère effectif du covoiturage ";*
  • loi LOM (2019), article 39 : "Lorsque l’usage d’une voie [...] a été réservé par l’autorité investie du pouvoir de police de la circulation aux véhicules de transport en commun, aux taxis, aux véhicules transportant un nombre minimal d’occupants [...], des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules peuvent être mis en oeuvre".

Ces deux articles montrent la nécessité d’installer des capteurs automatiques de mesure du nombre d’occupants (capteur NOC) d’un véhicule. C’est aux États-Unis que les premières études sont apparues, à la fin des années 1980. En effet, avec l’apparition des voies de covoiturage dans les années 1970, les gestionnaires ont rapidement mis en place des contrôles par les forces de police du fait d’une fraude importante, et demandé le développement d’un contrôle automatique pour résoudre les trois principales difficultés rencontrées :

  • sécurité : positionnement des forces de police et arrêt d’un contrevenant périlleux ;
  • précision : jusqu’à 50-60 % d’erreurs dans le comptage ;
  • efficacité : au maximum trois contraventions dressées par heure par agent.

À partir de 2010, les expérimentations de capteurs NOC ont abouti à une précision satisfaisante, souvent supérieure à 90 % pour les véhicules à un occupant ou deux occupants. Néanmoins, à partir du troisième occupant, les performances se dégradent. Par conséquent, les voies dédiées aux véhicules comprenant deux occupants ou plus sont à préférer à celles réservées aux véhicules dont le seuil est fixé à trois occupants.

Le Cerema, pionnier des évaluations des capteurs NOC en Europe, a développé une méthodologie qui a évolué avec chaque nouveau cas ou difficulté rencontrée, faisant progresser son expérience sur ce type de dispositifs. Parvenue à une certaine maturité, elle se veut robuste, reproductible et permet la comparaison de plusieurs systèmes.

 

L’essentiel
  • La loi TECV et la LOM créent des outils pour soutenir le développement de nouveaux aménagements liés au covoiturage.
  • Il peut être nécessaire d’installer des capteurs automatiques de mesure du nombre d’occupants d’un véhicule.
  • Le Cerema a développé une méthodologie robuste et reproductible qui permet l’évaluation et la comparaison de plusieurs systèmes.

Enseignements techniques acquis lors des évaluations

Les capteurs NOC ne sont pas des capteurs de trafic ordinaires. Il est important de connaître leurs caractéristiques principales :

  • un à deux systèmes de prise de vue sont généralement utilisés pour optimiser le comptage du nombre d’occupants : une caméra avec prise de vue à l’avant du véhicule pour le ou les passagers au côté du conducteur, et éventuellement le passager arrière droit ; une caméra avec prise de vue perpendiculaire au passage du véhicule, afin de compter les occupants des différentes rangées de la voiture. Il est possible que ce capteur soit unique, prenant plusieurs vues sur le côté, et permettant ainsi l’obtention du nombre d’occupants total avec une haute précision ;
  • un soin particulier doit être apporté au positionnement des caméras vis-à-vis du soleil.
La métropole Aix-Marseille ouvre un parking réservé aux covoitureurs

La métropole Aix-Marseille ouvre un parking réservé aux covoitureurs13 septembre 2021 : après deux ans de travaux, réalisés sous maîtrise d’ouvrage Régie des transports métropolitains (RTM), pour le compte de la métropole Aix-Marseille, le parking-relais de La Rose à Marseille (Bouches-du- Rhône) a doublé sa capacité initiale (désormais 800 places), et joue la carte des nouveaux modes de déplacement avec la création d'une zone dédiée au covoiturage de 37 places.

La RTM est le deuxième réseau après Rennes à expérimenter des espaces réservés au covoiturage avec comptage par caméra. L’accès est contrôlé par une caméra intelligente qui identifie en une fraction de seconde le nombre d’occupants du véhicule. Lorsqu’au minimum deux passagers sont identifiés, la barrière s’ouvre automatiquement. La RTM s’est appuyée sur la solution de comptage de la société Pryntec, éditeur de solutions d’analyses vidéo, dont les performances sont évaluées à plus de 98 %.

Avec les capteurs infrarouges actuels, la visibilité des enfants dans un véhicule demeure un problème car leur petite taille est difficile à détecter.
Avec les capteurs infrarouges actuels, la visibilité des enfants dans un véhicule
demeure un problème car leur petite taille est difficile à détecter.

 

Malgré des objectifs antireflet et polarisants, la luminosité peut limiter les performances du capteur. L’innovation majeure de ces systèmes est l’utilisation d’un flash dans le proche infrarouge couplé à la caméra. La puissance du flash est un paramètre important pour obtenir un résultat satisfaisant in situ. Cela permet notamment de réduire la difficulté de détection occasionnée par des vitres trop fortement teintées et de s’affranchir de la luminosité ;

  • un algorithme d’intelligence artificielle, souvent avec apprentissage supervisé, permettant l’extraction du nombre d’occupants du véhicule.

La méthodologie du Cerema permet, pour chaque véhicule évalué, de répertorier quels éléments de contexte peuvent influencer le résultat de la machine, en particulier les vitres teintées et la présence d’enfants dans le véhicule. Il est à signaler que plus les vitres sont teintées, plus elles pénalisent la détection des occupants des places arrière. La visibilité des enfants dans un véhicule demeure un problème. Leur petite taille ou leur présence dans un siège bébé sont difficiles à détecter. Cette situation est de nature à entraîner des faux positifs (fausses détections d’infraction). Néanmoins, il est envisageable qu’un nombre de cas importants dédiés à l’apprentissage de la machine puisse en partie résoudre le problème. Ces expériences permettent aujourd’hui de tirer les premiers enseignements de ces capteurs :

  • une préévaluation (100 à 200 véhicules) doit précéder l’évaluation effective.

En première approche, cela permet de cerner des dysfonctionnements liés à l’installation, au fonctionnement du capteur, au flash IR, au stockage des données, qui seraient difficilement rectifiables par la suite. De plus, cette phase concertée permet souvent d’améliorer les résultats de l’évaluation ;

  • le flash IR est l’élément de base pour obtenir des images exploitables par l’algorithme de détection des occupants d’un véhicule, et un taux de visibilité suffisant. Le bon positionnement des caméras vient compléter un flash performant.

Il est à présent possible de déployer des systèmes NOC pour une classification à deux occupants ou plus, à visée pédagogique ou de contrôle, sous certaines hypothèses, dont les limites sont précisées dans le cadre d’une évaluation. Ces dispositifs peuvent aussi offrir une fonctionnalité permettant de calculer un taux d’occupation statistique moyen/véhicule d’un flux, sur une voie, ou plusieurs. Cette méthodologie sera utilisée lors du futur marché "partenariat d’innovation", lancé par la Direction des mobilités routières cette année, visant à développer un système homologué pour la mise en place à terme d’un contrôle sanction automatique du nombre d’occupants.

 

À quoi sert un capteur de covoiturage ?

  • Réservation de places de parking pour covoitureurs.
  • Affichage pédagogique pour l’apprentissage des usagers d’une voie de covoiturage.
  • Surveillance et contrôle automatique des voies de covoiturage.
  • Mesure et évaluation de l’impact de toute mesure de mobilité, en particulier le covoiturage (statistiques).
  • Modulation au péage selon le nombre d’occupants.
  • Bretelle d’accès aux voies rapides réservée aux covoitureurs.
Par Alexis Bacelar, directeur de projets en systèmes de transports intelligents - STI, Frédéric Aliaga, chargé de projets en systèmes de transports intelligents - STI  et Pascal Petitjean, chef de projets métrologie et ingénierie du trafic, Cerema

Dans le dossier Covoiturage : le dossier du Cerema

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