19 septembre 2023
Comment mesurer les contrastes visuels d’accessibilité de l'espace public : un partenariat entre laComment mesurer les contrastes visuels d’accessibilité de l'espace public : un partenariat entre laMétropole AMP et le Cerema pour y voir plus clair
Le Cerema, en partenariat avec la Métropole Aix-Marseille-Provence, a réalisé une campagne de mesures des contrastes visuels de mobiliers urbains et bandes d’éveil de vigilance (BEV) sur l’espace public.
Ces contrastes ont ensuite été comparés aux seuils réglementaires (accessibilité). Une application smartphone d’évaluation du contraste des BEV, développée par le Cerema, a aussi été testée.

Le contraste est en général évalué via un calcul de contraste en luminance* entre un objet et le fond du champ visuel adjacent (environnement). Il permet de s’intéresser à la clarté des objets et leur visibilité (plus le contraste est élevé, plus l’objet est visible).

Figure 1

Note : * La luminance est une grandeur photométrique représentative de l’intensité lumineuse perçue par l’œil humain, en provenance de chaque élément de son environnement visuel (elle se mesure en cd/m²).

La notion de contraste est sollicitée par les textes réglementaires et normatifs traitant de l’accessibilité de l’espace public et de la voirie :

  • la réglementation (obligatoire) demande que tout mobilier urbain et BEV (bande d’éveil de vigilance) présente des seuils de contrastes minimaux (deux seuils, pour équipement neuf ou à long-terme) ;
  • les normes NF P98-351 et NF P98-352 détaillent les méthodologies respectives de mesure du contraste des BEV et des bandes de guidage.

Dans ce contexte réglementaire et normatif, se pose la question du contrôle des valeurs de contraste sur l’espace public, dans le cadre de réception de nouveaux aménagements ou d’identification du mobilier à contraster en priorité. Pour avancer sur cette problématique, la Métropole Aix-Marseille-Provence et le Cerema ont co-financé un projet de R&D sur l’évaluation de ces contrastes, se déclinant en deux volets :

  • une campagne de mesures de contrastes portant sur une vingtaine d’objets répartis sur trois zones d’activités de la Métropole,
  • le test in situ de l’application EDAM (Evaluation De l’Accessibilité pour les Malvoyants,application smartphone développée par le Cerema), réalisant des relevés de contraste de BEV et statuant sur leur conformité réglementaire.

 

1. Campagne de mesures du contraste de plusieurs mobiliers urbains et BEV

La Métropole Aix-Marseille Provence a sélectionné une vingtaine d’objets (quelques exemples en illustration) dont le contraste a été évalué par le Cerema dans sept conditions météo différentes(ciel couvert lumineux, ciel couvert sombre, ciel clair aube, ciel clair zénith, ciel clair crépuscule,chaussée mouillée, en nocturne), lors de deux campagnes en hiver et en été 2021.

 

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Le Cerema a adapté les indications de la norme NF P98-351 (BEV) pour définir un protocole de mesures et de calcul des contrastes des objets évalués. Les mesures de luminance ont été réalisées avec un dispositif LMK Mobile Air (TechnoTeam)*.

Note : * Il s’agit d’un appareil photo Canon calibré (vidéo-luminancemètre ou luminancemètre imageur) dont les photos sont ensuite converties en image de luminance.

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Les contrastes ont été calculés pour chaque objet à partir des cartes de luminance obtenues. Les résultats et analyses ont été synthétisés sous la forme de fiches:

 Chaque fiche détaille les résultats associés à un objet pour une condition météorologique spécifique. La mise à disposition en ligne des fiches permet à tout gestionnaire de se familiariser avec les ordres de grandeur de contrastes associés à différentes clartés de matériaux et revêtements.

En complément de ces fiches associées à chaque condition météo, des fiches synthétisent les valeurs de contrastes obtenues pour un objet pour l’ensemble des conditions météo (des deux campagnes été et hiver).  

                                               

Figure 6

 

Figure 7

Cette campagne d’évaluation de contrastes sur site a renseigné la Métropole AMP sur la conformité de ses mobiliers, à prendre en compte pour le choix des teintes de matériaux pour ses futures acquisitions (les objets présentant un contraste conforme sous les deux conditions de ciel couvert ont été listés).

Des conclusions générales ont aussi été tirées de ces mesures, par exemple * :

Note : * Ces conclusions ne concernent que les objets évalués dans le cadre de cette campagne, et sont valables pour les « couples » objet/revêtement adjacent, car on ne peut considérer le contraste d’un objet seul, sans son revêtement adjacent.

  • BEV : très bon contraste pour les BEV blanches ou noires, pour l’ensemble des conditions météo.
  • Potelets à boule blanche (ou avec bande réfléchissante) : très bon contraste entre la boule blanche (ou la bande réfléchissante) du potelet et le corps du potelet, pour l’ensemble des conditions météo. Mais le contraste entre la boule blanche du potelet et la chaussée derrière peut ne pas être suffisant.
  • Potelets verts, sans boule blanche : le contraste avec le revêtement de trottoir est suffisant pour l’ensemble des conditions météo.
  • Candélabres : bons contrastes obtenus lorsqu’il a été réalisé un effort d’accentuation du contraste (exemples avec trottoirs clairs ou mâts sombres).
  • De bons et de mauvais exemples de couples objet/revêtement adjacent peuvent être soulignés parmi les autres types d’objets : d’une part les arceaux vélo et poteaux incendie sur revêtement clair ; d’autre part les blocs béton sur revêtement gris.

Enfin, il semble que pour diminuer la variation de contrastes observés entre différentes conditions météo, un bon moyen est de contraster deux parties d’un même objet plutôt que le contraster par rapport au revêtement alentour : les ombres se portant différemment sur l’objet ou le revêtement du fond peuvent grandement modifier leurs écarts en luminance, et donc le contraste correspondant (une autre possibilité serait d’avoir une surface sombre et une surface claire en arrière-plan pour qu’un objet présente plusieurs valeurs de contrastes, par exemple un candélabre à proximité d’un trottoir clair et d’une chaussée foncée).

 

Figure 8

 

2 – Test in situ d’une application smartphone d’évaluation du contraste des BEV

La campagne de mesures réalisée sur les zones d’activité de la Métropole Aix-Marseille-Provence a été l’occasion de tester sur site simultanément l’application EDAM (Evaluation De l’Accessibilité pour les Malvoyants), développée par le Cerema.

Cette application smartphone permet d’évaluer rapidement le contraste des BEV en utilisant l’appareil photo du smartphone (calibré préalablement) sur lequel elle est installée.
Le p
rincipe d’utilisation est d’"encadrer" visuellement la BEV dans un rectangle sur l’écran du smartphone, puis de laisser l’application prendre les clichés correspondants et calculer le contraste entre la zone inclue dans le rectangle et le fond adjacent. Celle-ci renseigne ensuite sur la conformité de la BEV par rapport aux seuils réglementaires ("conforme", "non conforme"), ou renvoie vers une évaluation ultérieure nécessitant un appareil de mesure plus précis (cas où la valeur de contraste obtenue est très proche du seuil réglementaire ).

L’application a été utilisée sur site et la comparaison entre les valeurs de contraste obtenues et celles obtenues avec le matériel de référence LMK a permis de finaliser son évaluation.

 

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3 – Perspectives futures pour la suite de ces travaux

Les fiches réalisées pour la Métropole AMP et mises à disposition sur le site CeremaDoc (lien N°1 et lien N°2) proposent des indicatifs de valeurs de contrastes associés à des objets-types de mobilier urbain.
Le Cerema envisage de les compléter avec d’autres exemples, impliquant de nouvelles campagnes de mesures (autres types de mobilier, autres matériaux, autres teintes) dans le but de constituer à terme un catalogue de valeurs de contrastes.

Une continuité de développement et un déploiement de l’application EDAM sont aussi envisagés par le Cerema, de façon à la mettre à disposition des collectivités qui souhaiteraient l’utiliser. En particulier, le Cerema souhaite étendre l’évaluation proposée par l’application à tout type d’objet, en plus des BEV, une amélioration dont la Métropole AMP a souligné l’intérêt.

Le projet s’est focalisé sur le contraste “en luminance(contraste perçu en fonction de l’aspect clair ou sombre des objets), cependant une différenciation en couleur peut influencer le contraste global perçu, un principe renvoyant au "contraste chromatique". Cette notion est peu approfondie, rapidement citée dans les corpus réglementaire  et normatif . En fonction de l’intérêt des acteurs publics sur l’influence du contraste chromatique sur la perception globale du contraste des objets urbains, le sujet pourrait être creusé dans de futurs travaux du Cerema.

 

Cette actualité est une version condensée de l'article publié dans la revue RGRA (voir numéro d’octobre 2023 pour plus de détails).